Une langue universelle et un médicament gratuit

Par Mariana Prandi, traductrice assermentée et avocate

Lorsque l’on parle de langues universelles, on pense tout de suite à l’espéranto, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici.

Contrairement à l’espéranto, cette langue universelle n’est pas artificielle, c’est-à-dire que personne n’a conçu de règles dans «l’espoir» que quelqu’un d’autre l’apprenne et puisse ainsi communiquer. Cette langue universelle est si spontanée que même les bébés l’utilisent.

Il s’agit bien sûr du rire. Quelqu’un peut ne pas comprendre ce qui fait rire quelqu’un d’autre, mais il comprend ce que cette personne ressent à ce moment-là.

Le rire fait partie du langage corporel et se manifeste dès le plus jeune âge. Malheureusement, sa présence diminue avec l’âge. Un bébé rit en moyenne trois fois plus de fois par jour qu’un adulte.

En plus d’être un langage universel et spontané, c’est aussi un médicament accessible à tous. Son rôle est si important que de nombreux médecins se sont consacrés à son étude et à son application pour le bien d’autrui.

Le rire aide les gens à se sentir plus forts pour affronter les moments difficiles de leur vie. On peut donc se poser la question suivante : si le rire a tant de bienfaits, pourquoi les adultes ne l’utilisent-ils pas autant que les enfants ? Ou, ce qui est un peu moins compliqué : comment pouvons-nous le retrouver et l’encourager ?

La réponse est de le stimuler activement. Par exemple, pour ne pas perdre l’habitude de rire, il existe des pratiques comme le yoga du rire (ou «laughter yoga») créé par le médecin indien Madan Kataria. Il combine des exercices de rire avec des techniques de respiration du yoga.

C’est justement grâce au Dr Kataria que la Journée mondiale du rire a été instituée le premier dimanche du mois de mai de chaque année afin de contribuer à la paix dans le monde.

Une autre façon de prendre l’habitude de rire est de se réunir dans des clubs de rire. Il s’agit de groupes de personnes qui se réunissent dans des lieux publics ou sur des plateformes de communication Internet dans le but de rire ensemble. Tout prétexte est bon pour commencer et ensuite ils n’ont plus besoin de raison pour continuer spontanément.

Des chaînes vidéo se forment également lorsque des internautes se filment en train de regarder comment les autres ont ri en voyant quelque chose d’amusant. À un moment donné, il importe peu de savoir s’ils rient de la vidéo originale ou des réactions. L’important est de commencer à rire et de laisser venir les bienfaits du bien-être.

Les personnes qui pratiquent toutes ces activités n’ont même pas besoin de se connaître au préalable ou de parler la même langue. Le rire est le langage qu’ils partagent. C’est le langage universel le plus répandu.

Outre son universalité, le rire a une longue histoire dans la culture. On trouve de nombreuses mentions du rire et du bonheur dans la Bible et dans des récits classiques tels que l’Iliade et l’Odyssée. À titre d’exemple, un concept encore utilisé aujourd’hui est le «rire homérique», qui désigne un rire frénétique, bruyant et incontrôlable.

Les philosophes classiques ont des points de vue différents sur le rire. Parmi eux, Aristote le mentionne dans plusieurs de ses ouvrages et le relie à la moralité et aux qualités sociales. Platon, quant à lui, ne considère ni le chant, ni le rire, ni la poésie comme positifs.

Au cinéma, des films traitent du sujet, comme «Patch Adams» de 1998, qui raconte l’histoire vraie d’un médecin qui a développé la «thérapie par le rire», ou «Le nom de la rose» de 1986, d’après un roman d’Umberto Eco.

Dans le domaine de la psychologie, Freud considère le rire comme l’un des mécanismes de défense. Lacan et Bataille y ont également fait référence dans leurs ouvrages.

En médecine, en 1964, le Dr William F. Fry, professeur de psychologie à l’université de Stanford, a été le premier à étudier les effets bénéfiques du rire sur le système immunitaire.

Au fil du temps, d’autres bienfaits du rire ont été découverts, notamment l’amélioration de la capacité respiratoire et l’augmentation d’hormones telles que l’endorphine et la sérotonine, qui augmentent à leur tour la sensation de plaisir.

Il est frappant de constater que, malgré le fait que le rire soit si bénéfique pour la santé, on utilise parfois les mêmes mots pour le désigner que pour décrire les maladies. Par exemple, lorsqu’on parle de rire contagieux.

Bien qu’il soit contagieux – ou peut-être à cause de cela – le rire est un médicament gratuit et sans contre-indication qui fournit les outils physiques et psychologiques nécessaires à tous les âges.

Il rapproche les gens en tant que langage et améliore leur vie en tant que remède. Quelle que soit sa catégorie, le rire est un moyen de se connecter au présent et d’essayer d’être un peu plus sain et heureux chaque jour.

Alors… rions !

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